Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas écrit d’articles dans la catégorie journal de Bord et ce malgré le désir de beaucoup de lecteurs.

Si vous faites partie de ceux-là, je vous prie tout d’abord de bien vouloir m’excuser ! Pour me faire pardonner, je vous propose de relater mon aventure sur un projet un peu plus particulier que les autres.

Le contexte

Récemment, un ami producteur m’a proposé d’assurer la direction de production d’un court métrage.

Le contexte était un peu particulier, il avait été un peu frustré de ne rien avoir à défendre à Cannes l’année dernière et voulait absolument ne pas reproduire cette erreur pour l’année 2014.

Néanmoins cette prise de conscience fut assez tardive et le temps de sélectionner un scénario suffisamment intéressant, il ne restait plus que 7 jours pour inscrire un film en compétition.

7 jours pour faire la pré-production, le tournage et la post-production c’ est évidemment extrêmement court.

Malgré ce délai très short, le défi était très tentant. D’une part, le travail du réalisateur est vraiment très bon et d’autres part, les comédiens (et scénaristes du court) étaient eux aussi très bons (ils viennent du conservatoire national). Enfin le sujet du film, à savoir l’euthanasie, était suffisamment polémique pour pouvoir réussir à faire un film intéressant.

J’ai eu une enveloppe de 1000 euros pour tourner un film. Et 1000 euros, même pour 2 jours de tournage je peux vous dire que ça part vite …

La pré-production

La pré-production a duré environ 3 jours et demi. Voici un court résumé de chaque journée

Mercredi

Nous avons eu la première réunion avec le réalisateur et les comédiens/scénaristes et le premier constat était assez alarmant.

A 6 jours de la deadline cannoise, nous n’avions que le lieu et le casting (figurants non compris). La priorité était donc de trouver des techniciens pour que les chefs de postes puissent commencer eux même leur préparation et pour que je puisse voir avec eux la liste technique dont ils avaient besoin.

Le soir même grâce à tous nos contacts, nous avions réussi à trouver tous les postes sauf le chef opérateur sonore. Nous avions décidé de nous passer d’assistant réalisateur car le réalisateur n’en avait pas de disponibles, et vu le peu de temps dont nous disposions, il aurait été contre productif de prendre un assistant que le réalisateur ne connait pas.

Jeudi

Le Chef op me donne sa liste technique de matériel caméra et lumière. Mais malheureusement cette dernière dépassait à elle seule le budget du film. Je lui ai donc demandé, aux vues de nos contraintes budgétaires, de la modifier pour baisser nos coûts dans ce post de dépenses. Je lui ai alors proposé des alternatives comme changer de caméra et d’objectif. Nous nous sommes finalement entendus sur une nouvelle liste technique moins couteuse (pour la petite histoire le sacrifice s’est fait sur la lumière en renonçant à son HMI et sur les objectifs qui sont passés de Zeiss CP2 à un canon 16/35 série L)

En revanche, la bonne nouvelle était que le budget consommable était nul car le chef opérateur gardait des gélatines, du papier diff, du borniol, des gaffeurs et autres sortes d’accessoires dits consommables du précédent tournage avec un peu plus de budget que le nôtre.

Vendredi

A J-2 du tournage j’ai réussi en appelant tout mon répertoire à enfin trouver un ingé son ainsi qu’un perchman. J’ai également commencé à prendre contact avec les différents prestataires dont nous avions besoin

Samedi

Nous étions dans les temps. Ce jour là j’ai pris la casquette de régisseur en allant faire les courses pour la régie avec mon assistante de prod et je me suis occupé de faire une feuille de service en m’aidant du plan de travail peu orthodoxe du réalisateur. Pendant ce temps là les comédiens s’occupaient de faire le tour de Paris pour rassembler les décors dans le camion prévus à cet effet.

La Négociation

Etant responsable du budget, L’une des missions principales du directeur de production est de prendre contact avec les prestataire et négocier avec eux en cas de budget serré et ainsi réussir à tourner pour pas cher.

Pour le matériel de prise de son (perches, micros, HF, enregistreur), le prix normal aurait du être à 600 euros pour deux jours, j’ai pu avoir une jolie fleur et voir le prix passer à 200 euros.

Le matériel image et lumière était malgré les efforts du chef opérateur assez couteux. Néanmoins grâce à l’expérience accumulée lors de mon travail en boite de location, j’ai finalement pu avoir une belle remise. Je m’en suis sorti avec une dépense 388 euros TTC soit une réduction supérieure à 50% par rapport au devis initial.

Pour le camion en charge d’amener les décors sur les lieux de tournage et de le ramener j’ai fait appel (à tort) à un prestataire low-cost.

Pour les décors ce sont les comédiens qui se sont occupé de les trouver. Il ne devait pas avoir de dépenses sur ce poste là à la base, mais il y finalement eu un 15 euros de dépenses à faire.

Le tournage

Sur le tournage j’ai un peu joué l’assistant réalisateur et le régisseur général en me chargeant de tenir les horaires et en gérant la logistique à l’intérieur et à l’extérieur du plateau et notamment le repas. Malgré un gros problème logistique, le tournage s’est très bien passé et tous les techniciens et les comédiens ont fait leur travail de manière extrêmement professionnelle.

Les contraintes

Un tournage sans problèmes c’est très rare (d’autant plus quand le budget était sérré). Ce tournage n’a pas été épargné.

En réalité nous avons eu un gros problème avec le camion que nous avions loué. Un gros problème qui fait suite à l’accumulation de plusieurs petits problèmes.

Au moment de venir chercher le camion le samedi matin, le régisseur n’a pas retrouvé le chèque de plus, le camion était un véritable épave …

Malgré le retard, le trajet prévu a pu s’effectuer et les décors on put être transportés sur le tournage. C’est au moment du retour que le choses se sont compliquées. Tout d’abord le régisseur n’avait plus de batterie sur son téléphone, ensuite le véhicule à eu un problème et a calé en plein milieu du périphérique parisien.

Etrangement la plupart des loueurs d’utilitaires proposent une assistance en cas de problème pour leur location mais pas lui …

Finalement le régisseur a réussi, en redémarrant plusieurs fois à garer le véhicule sur la porte la plus proche.

Evidemment, le loueur a prolongé la location du camion une journée supplémentaire. Le lendemain, nous avons constaté que la panne du camion n’était pas due à une panne d’essence mais qu’il y avait un problème mécanique. Le loueur a voulu faire payer ce problème mécanique au producteur qui lui a refusé.

Bref il y a maintenant un litige entre mon ami producteur et ce loueur de camion.

Je n’entrerai pas dans les détails du litige qui a quand même eu pour conséquence de faire monter le budget du film assez haut avec plusieurs centaines d’euros de frais supplémentaire. A l’heure actuelle, le producteur et le loueur sont en contentieux juridique

Heureusement ces problèmes n’ont pas impacté directement l’avancement du tournage et le résultat artistique du film n’en pâtira pas

Ce souci m’apprendra pour les prochaines fois à réfléchir à deux fois avant de prendre un prestataire « cheap » et je m’arrangerai pour voir avec lui quelles sont les garanties et conséquences en fonction des éventuels problèmes.

Romain

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