Un polar moderne
Contrairement à la musicalité que laisse sous entendre son titre, « Cha Cha Cha » est un thriller moderne, une intrigue italienne en couleur où corruptions et soupçons sont de mise.
Marco Risi (Fortapasc, Le Dernier Parrain, Maradona, la main de Dieu, Mery pour toujours, etc. ) signe ici une intrigue plutôt divertissante. Le scenario est basé sur les caractéristiques des péripéties du film noir et, même si le dénouement peut se laisser deviner, l’intrigue reste entière sur les questions du comment et du pourquoi.
Dès les premières scènes, le ton est annoncé : des plans larges sur un cadavre dans un champs désertique, quelques notes de musique angoissantes sur une vue aérienne d’une voiture, filant la nuit à travers Rome.
Les personnages principaux ne tardent pas à apparaître, et nous voilà aussitôt plongés dans un polar. Corso (joué par le ténébreux Luca Argentero), le détective solitaire et ancien flic dont nous suivons la trace, rencontre Michelle (Eva Herzigova), dame aux allures de femme fatale, pour parler du fils de cette dernière, Tommaso (Jan Tarnovskiy). Nous ne tardons pas à comprendre que Michelle était autrefois l’amante de Corso, et que celui ci enquête maintenant pour elle, pour surveiller son fils.
Le décor planté, nous nous retrouvons dans une discothèque très festive où Tommaso s’amuse, sans se douter qu’il est chaperonné par des détectives qui se relaient, et donc en particulier Corso. Le jeune homme reçoit un appel, sort de la boîte de nuit, démarre à peine sa voiture et le drame se produit : un carambolage violent causé par un 4×4 qui lui coûte la vie.
Corso, témoin de la scène, assiste à la mort de Tommaso. Il se remémorera aussitôt différents faits survenus auparavant, le persuadant qu’il ne s’agit en rien d’un banal accident.
De son côté, Michelle, en couple avec Argento (Pippo Delbono), un riche avocat, demande à Corso de l’aider à chercher le coupable de la mort de son fils. Corso découvre via internet que Tommaso avait une révélation à faire à ses amis, qui allait « tout changer ». Ceci renforce les convictions que Corso avait déjà, qui se confirment totalement lorsque le détective se fait agresser chez lui par trois individus lui demandant d’arrêter l’enquête. Demande d’arrêt par ailleurs formulée par Argento lui même.
Corso, risquant ainsi sa vie, continue de creuser pour faire avancer son enquête, faisant même appel à des aides extérieures de services d’espionnages. Nous entrons alors dans un monde noir où les échanges d’informations vont de paire avec les différents réseaux, officieux ou non.
Au niveau de la mise en scène elle même, le décor assure une cohérence avec le genre de ce film : des lieux désertiques, des entrepôts, des demeures spacieuses et scintillantes ou au contraire des appartements glauques, et des salles aux ambiances festives contrastant avec l’ambiance même du film. Le jeux de lumière très travaillé atteste une cohésion avec les décors et l’intrigue, entre ombres, lumières et poussières.
La bande son, quant à elle, est également en adéquation avec les scènes tout au long du film, suggérant le suspens de certaines ou sublimant le dynamisme d’autres.
Des personnages au service d’un genre
Les acteurs interprètent relativement bien les personnages, dont les caractères spécifiques sont la clef du genre de ce film.
Incorrompu, sensible et patient, Corso est le prototype même du héros solitaire, prêt à risquer sa vie pour parvenir à son but.
Fort (il se bat admirablement seul, nu contre trois) et dévoué à la cause de son ancienne amante sans rien demander explicitement en retour, il est à lui seul la symbolique du « bien », le personnage dont on ne doute pas de la bonne foi de ses actions. Ceci est renforcé par un physique de « jeune premier », qui tranche nettement avec les autres amants de Michelle : le père de Tommaso auparavant, et l’avocat Argento dans le présent de l’action, tous les deux plus âgés. Si le premier ne semble pas fourbe pour un sous, c’est un tout autre cas pour le second personnage. Argento est en effet la figure même de la corruption, il vit dans un monde où l’argent est au perpétuel service du pouvoir.
Michelle, quant à elle, est l’image parfaite de la femme fatale. Trois hommes, dont deux aux antipodes moraux (Corso et Argento) interagissent pour elle dans l’histoire. Chacun d’eux se pose en homme protecteur vis à vis d’elle : l’avocat par l’argent, Corso par la confiance. Elle est en quelque sorte le pivot de l’histoire, autour duquel chaque homme se réfère. Actrice dans la vie, elle semble jouer sur l’ambiguïté de ses intentions auprès de Corso.
Tommaso, fils unique de Michelle, centre de l’enquête, rend sa mère très soucieuse à son égard, de crainte qu’il reproduise les mêmes erreurs qu’elle fit dans son passé. Il représente l’innocence… mais pas tant que ça. Corso comprend très vite qu’il cache une information qui sera capitale pour l’enquête.
En conclusion, c’est une Italie pleine de réseaux en tout genre dont on nous dresse le portrait, un « putain de pays » comme s’exclame l’un des protagonistes.
Le réalisateur Marco Risi déclare lui même dans sa note d’intention qu’il souhaitait « raconter un pan de notre pays (L’Italie). Sans excès de moralisme ».
Polices, procureurs, anciens de la BAC, service d’espionnage, paparazzis. . tous se rencontrent, et c’est Corso qui sert de corrélation entre chaque monde.
A plusieurs reprises, Corso échange avec des éléments plus ou moins extérieurs à l’enquête : Chantages, menaces, argents et échanges d’informations sont au rendez vous pour l’avancée des recherches, définissant ainsi ce film comme un polar.
Le personnage de Torre (Claudio Amendola), par exemple et pour n’en citer qu’un, est difficilement identifiable. Il représente le rival de Corso, côté Etat, sans que l’on parvienne pour autant à déterminer si il est lui même corrompu ou non. Il y a un chassé croisé permanent entre les deux personnages lors de l’avancée de l’enquête, car ils se retrouvent à plusieurs reprises au même lieu, au même moment, comme une course dont on ne parvient à déterminer le but du premier. De quel côté est il ? A qui Corso peut il se fier ? Cela renforce ainsi la caractéristique du détective solitaire, héros d’un film noir, ne sachant où poser sa confiance pour résoudre son enquête.
Tiphaine Vittet