Introduction sur Jarmusch
Bonjour à tous, aujourd’hui j’inaugure la catégorie (grands réalisateusr) avec l’analyse du travail d’un réalisateur qui me tient extrêmement à coeur : Jim Jarmusch.
Jim Jarmusch arrive à New York à vingt ans. Il y fréquente assidûment les milieux intellectuels et artistiques caractérisés par leur éclectisme. Ils sont composés de peintres, poètes, musiciens et cinéastes.
Tous ces artistes, bercés par une certaine contre-culture, revendiquent une nouvelle identité, à la fois populaire et authentique, marginale sans être élitiste. C’est ce mélange de caractéristiques et de pensées « libertines » qui influenceront énormément l’art de Jim Jarmusch, notamment au niveau du pluralisme interne à son œuvre, luttant ainsi contre le conformisme et faisant de lui le cinéaste rockeur et rebelle par excellence de l’Amérique.
Le style jarmuschien
Jarmusch est un cinéaste lent, très lent ; il n’hésite pas à parsemer son récit d’actes inutiles qui ne font avancer en rien le récit, mais qui subliment l’instant présent en parlant aux spectateurs de manière émotionnelle, notamment en composant des cadres généralement très stylisés où ses personnages évoluent au sein de musiques empathiques choisies avec soin.
Les protagonistes de Jim Jarmusch sont tous en marge de la société classique. Ce sont généralement des dandys urbains dégageant un style négligé participant à leur charme, le tout allié à un caractère bien trempé et affirmé comme l’attestent le personnage d’Aloysious Parker dans Permanent Vacation (1980) ou encore les personnages campés par John Lurie dans Stranger Than Paradise (1984) et Down by Law (1986). Cette caractéristique, à la fois élégante et brute, est d’ailleurs probablement l’héritage de la culture punk-rock new-yorkaise des années 80 dans laquelle il évolue.
Jarmusch l’affranchi
Jarmusch a toujours refusé et de tout faire comme tout le monde. Lors de sa Master Class à Paris il y a deux ans, il nous expliquait que même si les règles en cinéma étaient importantes, il fallait passer outre. Lui-même n’a jamais aimé croire qu’il n’y avait qu’une manière de faire du cinéma. Dans sa carrière, il a toujours refusé de travailler avec des majors pour ainsi ne pas avoir à lisser ses oeuvres. Il n’a, de même, comme il l’explique dans une interview pour le journal Les Inrockuptibles, jamais eu l’idée d’avoir pour sujets dans ses films des « américains moyens ».
Comme nous l’avons vu, le pluralisme chez Jarmusch est paradoxalement une norme, que cela soit dans sa vie ou à l’intérieur même de ses œuvres en faisant des confrontations de style.
Des corps et de l’espace
Jarmusch aime effectivement mêler corps, espaces et ambiances contradictoires. L’étranger est souvent protagoniste dans une Amérique poussiéreuse et miteuse, mais pourtant sublimée.
Que cela soit avec Eva, jeune hongroise débarquant dans les bas-fonds de New York et ne connaissant pas les mœurs américaines, dans Stranger Than Paradise (1984) ; le couple Japonais arrivant à Memphis en quête d’Elvis dans Mystery Train (1989), ou bien Roberto Benigni, Italien maîtrisant à peine l’anglais et déformant les mots dans la prison puis les marécages de Down by Law (1986). On pourra également citer un peu plus tard le massif et imposant Forest Whitaker dans Ghost Dog (1999) qui se transforme en samouraï élégant et méthodique dans les ghettos de New York.
Des protagonistes
Les personnages de Jim Jarmusch sont pour la plupart différents, que cela soit au niveau de la culture ou du dialecte, et n’ont a priori rien en commun si ce n’est une certaine marginalité. Néanmoins, les protagonistes arrivent à dépasser ces barrières culturelles et réussissent à communiquer, se comprendre et même communier. Nous pouvons citer Ghost Dog (1999) et les liens qui unissent Forest Whitaker à Isaach de Bankolé alors qu’ils ne parlent pas la même langue, mais aussi Down By Law (1986), et notamment l’extrait où les trois personnages principaux jouent aux cartes dans la prison avant de chanter tous ensemble, sous l’impulsion de Roberto Benigni, une phrase qui ne veut rien dire – indirectement du moins.
De son cinéma par rapport à nos visions
Jarmusch, avec ses personnages, sa mise en scène et ses plans s’oppose à un certain classicisme établi par les genres cinématographiques (Dead Man (1995), western, Down by Law (1986), film noir), les mythes culturels Mystery Train (1989), mais aussi à une norme sociale distillée par les médias et tout ce qui nous entoure en général.
C’est pour cela que le spectateur lambda peut être dérouté à la vision d’un film de Jarmusch ce dernier casse le conformisme cinématographique que cela soit au niveau du fond et surtout de la forme, que nous croyons unique. Il y met en scène de manière stylisée un personnage qui ne fait pas parti des standards et qui ne veut d’ailleurs pas en faire partie (Winona Ryder refuse de devenir actrice pour rester chauffeuse de taxi dans Night on Earth (1990)).
Des Références
La culture punk-rock new-yorkaise n’est pas la seule référence que l’on peut noter chez Jarmusch. Nous remarquons aussi une corrélation entre son œuvre et le romantisme du XIXe siècle, notamment au niveau de la nonchalance et de la flânerie de ses personnages. Dans Permanente vacation, Jarmusch avoue d’ailleurs qu’il voulait être écrivain et qu’il partit à Paris pour étudier les auteurs romantiques.
En réalité, on dénombre de nombreuses références culturelles à travers ses films qui renforcent le coté éclectique du réalisateur. Que cela soit Cassavetes, Ozu, Akerman, Pasolini, etc., Jarmusch avoue volontiers vénérer ces maîtres qu’il a pour la plupart découvert à la Cinémathèque Française lors de son année à Paris. Un critique du journal Les Inrockuptibles qualifiera d’ailleurs Jarmusch « d’éponge qui absorbe et recrache autant de matière qu’elle en absorbe ».
Certains ont reproché à Jarmusch de faire des films à sketches et de tomber dans l’anecdotique, particulièrement avec Mystery Train (1989), Coffee and cigarette ou encore Night on Earth. Cependant, il faut y voir ici une autre manière de défendre le pluralisme et de lutter contre une certaine unité en y mêlant plusieurs philosophies.
La phrase tirée de son dernier film The limit of control(2009) résume très bien cette idée « L’univers n’a ni frontière ni centre ».
On pourrait d’ailleurs observer, dans cette envie de tout hétérogénéiser une affirmation politique où le réalisateur montrerait que les Américains ne sont pas tous pareils, contrairement à ce que le gouvernement voudrait faire croire, et, surtout contrairement à ce que les autres pays pensent.
Merci pour cet article sur un réalisateur que j’affectionne particulièrement!
Il est bien écrit, aborde les principaux traits caractéristiques de son travail… Un vrai plaisir!
Une idée, peut-être (je me permets puisque tu es ouvert aux suggestions^^), quand tu abordes un réalisateur, serait de mettre le lien de plusieurs vidéos pour nous montrer son univers (extraits de films), ou par exemple à la fin de ton article de ne choisir qu’un extrait de film / une scène représentative de sa « patte », que tu décortiquerais brièvement?
On a envie d’en savoir plus et tu sembles avoir un vrai esprit critique et une vraie passion pour le cinéma. Avec des auteurs que tu aimes, ca pourrait être passionnant et enrichissant de te lire!
Salut Charlie, merci pour ce retour.
Tu as raison, je vais essayer de trouver des extraits que je vais analyser. Si j’ai le temps, je pense que je referais l’article ce week-end.
Second photo – hard, impressive