Vous avez une idée de scénario ? C’est bien ! Mais vous le savez peut être ou justement peut être pas, mais entre avoir une idée et avoir un bon scénario prêt entre les mains, il y a un monde, que dis-je un univers.
Eh oui, je vais même vous dire. À mon avis, la moitié des lecteurs de cet article manque d’une qualité essentielle pour écrire un scénario : l’humilité.
1 – « J’aurai fait mieux. »
« J’ai vu un film hier soir. Franchement, c’était trop de la merde. Les personnages étaient clichés au possible. L’histoire était vu et revu. Ça leur aurait coûté quoi de rajouter un petit truc comme ça par-ci, par-là. »
De nombreux scénaristes en herbe se sont déjà dit au moins une fois ces quelques phrases. Félicitations, vous venez de faire la première grosse boulette : Penser que vous pouviez faire mieux que d’autres.
Parce qu’il faut dire ce qui est, les scénaristes qui ont pondu le film que vous êtes allé voir ont significativement plus d’expériences, plus de connaissances et ont vu plus de films que vous. Robert McKee, script doctor, disait que ce que l’on voyait au cinéma était le fin du fin de ce que les scénaristes du monde avaient pu proposer aux productions. Y’a-t-il une raison de ne pas le croire ? Lui qui a lu plusieurs milliers de scénarios ?
Il faut se rendre à l’évidence. Il y a plus de chances que ce soit à toi, jeune scénariste, plutôt qu’à tous ces spécialistes qui soient passés à côté de quelque chose. Attention, je ne dis pas que tu n’as bien vu le film et je ne remets pas en cause ton intelligence. Mais quand même … Ne remets en cause non plus la leur. Tout dans un film relève d’un choix très réfléchi si tu ne comprends pas ce choix alors tu ne comprends pas pourquoi il a été fait, alors tu ne sais pas s’il est bon ou pas.
« Mais si, c’est juste une histoire de tunes. »
Oui, enfin si tu ne fais pas un truc qui plait, tu n’en auras pas de tunes donc les producteurs ont intérêt à faire quelque chose qui plait. On y peut rien si tu vas voir Transformers à chaque fois qu’un nouveau sort
Quoi qu’il en soit, garde en tête que tu n’as pas fait tout le travail d’un scénariste donc tu ne sais pas. Sois humble au lieu d’être vindicatif et pose-toi plus de questions.
2 – « Les structures et l’originalité. »
«Les films d’aujourd’hui sont trop prévisibles. Moi je veux faire quelque chose d’original, c’est pour ça que je ne veux pas me reposer sur les structures traditionnelles»
Je te propose un truc : Fabrique un pont. Mais attention, je veux que ton pont n’ait pas de structure classique, c’est à dire pas de support, rien de classique. Ton pont ne va pas tenir la route très longtemps. Avec un scénario c’est pareil.
Bien sûr, un scénario peut théoriquement fonctionner avec autre chose qu’une structure classique. Plein de scénaristes y arrivent. Il n’y a pas de recette. Tout comme il est possible qu’un pont tienne parfois très bien avec une structure peu classique, mais dans ce cas, on notera deux choses.
Déjà ceux qui font ça sont des professionnels de la structure classique, car, du coup, tu peux contrebalancer les contraintes pour que le tout se tienne. Mais faut les connaitre les règles et sur le bout des doigts les avoir pratiquées pendant des années. Bau oui c’est long.
Et ensuite, même si tu arrives à faire un truc qui semble se tenir avec une structure inhabituelle, n’oublie pas qu’un scénario est fait pour devenir un film. Et faire un film, ça ne se fait pas tout seul. Il est donc nécessaire de donner aux gens qui vont investir dans ton projet, confiance. Là, tu leur ponds pour ton premier scénario, une structure inédite. On ne sait pas du tout comment le public va réagir et en plus t’es un novice, c’est-à-dire que ton scénario pourrait très bien être nul que tu puisses ne pas t’en rendre compte.
Pour finir, tu serais surpris de voir à quel point la structure à une incidence minime au final sur l’originalité d’une œuvre. Regarde les films que tu trouves les plus originaux ou les plus géniaux. Tu verras que plus de la moitié d’entre eux ont une structure vraiment très classique.
Donc va acheter le guide du scénariste de Vogler, la licence poétique de Platon ainsi que le Héros au milles visages de Joseph Campbell et apprend.
Apprends parce qu’honnêtement il n’y a que ça à faire. Rien n’est facile. Rien n’est acquis et il y a peu de chances que tu saches faire mieux que les autres. Essaie déjà d’en faire autant. Tu verras c’est déjà compliqué.
Mais attention, n’oublie pas non plus d’avoir de l’ambition, car certes il est important de savoir où tu te situes, mais aussi là où tu veux aller.
Nous arrivons à la fin de cet article un peu polémique, je vous encourage à vous exprimer dans les commentaires et à éventuellement partager le contenu.
Et c’est tellement vrai, j’étais exactement pareil avant de faire mes premiers scenars, me rendre compte que rien n’allait, de faire les master class de Vogler, lire les livres de Campbell, Truby, Maintenant, je pose des choses cohérentes mais il va encore me falloir quelques scenars avant de passer devant le grand public . donc oui, Humilité 🙂
Ce commentaire est non seulement polémique comme il se présente, mais il est aussi vain et prétentieux… excusez-moi de rentrer dans la polémique.
J’ai derrière moi une carrière active dans l’audiovisuel et j’ai entre autres enseigné le scénario dans des institutions supérieures. Bien, ça, c’est pour la légitimité.
Sur le fond :
J’ai toujours refusé le concept d’ « enseignement du scénario ». On peut enseigner l’histoire du scénario en relation avec l’histoire des sociétés et de leur culture : comment les autres ont fait pour écrire leur texte, à qui ils s’adressaient, comment ces textes ont été reçus.
Parce que l’on n’append à personne à s’exprimer : il n’y a aucune règle, sinon celle de se faire comprendre et/ou de provoquer un effet tel que les gens sont amenés à payer une place de cinéma pour ressentir cet effet. On est dans le domaine du prototype… sauf dans le cas de l’industrie de la culture où il faut répéter la même chose, mais avec quelques variations mineures : l’industrie doit planifier un volume de production régulier pour maintenir en état un outil industriel.
Ni Victor Hugo ni Eisenstein n’ont appris à l’école à écrire des romans ou à faire des films.
Le reste, c’est l’intuition des relations sociales, de la langue, de la psychologie et de la gestion de l’intensité dramatique sur le temps de l’oeuvre… un vaste programme.
Il faut juste comprendre qu’en tant qu’auteur de la culture de masse, on a des interlocuteurs de différents niveaux socio-culturels et que l’on doit les intéresser tous : l’idée-clé est bien « créer de l’intérêt ».
Pour le reste, cela renvoie à une réflexion beaucoup plus complexe que ce que présente cet article ; elle va au-delà de Platon et des auteurs qui se sont penchés sur le récit, la poétique, la réthorique, la logique, l’imagination, etc.
bien à vous.
Comme disait Jean Gabin « pour faire un bon film il faut trois choses: une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire ».
Je ne suis pas scénariste mais quand je vois ce qui sort d’Hollywood j’ai toujours l’impression que n’importe qui pourrais faire mieux.
Bon ce n’est pas une référence scénaristique non plus.
Bon je parle particulièrement des block busters qui sont complètement dénué de scénario.
Par contre les séries américaines sont très bien du point de vue des scénarios même si il à parfois quelques faiblesses.
Sinon j’aime bien Paul Auster qui est vraiment un bon conteur. Avec lui tu ne sais pas ce qui va arriver. A lire selon moi.
On a effectivement appris plein de choses…
Honnêtement j’ai rarement été autant en désaccord avec un article du site.
J’ai avalé Vogler et Campbell, et c’est vraiment de la merde. Campbell est intéressant dans sa démarche du fameux monomythe qui réunirait tous les mythes de l’humanité, mais Vogler c’est du flan, les seuls choses intéressantes de son bouquin, c’est ce que Campbell a déjà dit et le fait que ces structures classiques sont faites pour être tordues et détournée (faut croire que certains pensent que tu peux pas faire autrement et qu’il doit le préciser.)
Les structures classiques sont d’un ennui monstre le plus souvent. Effectivement le scénariste du film est plus doué que la personne qui l’écrit. Mais poser cette critique, c’est s’obliger à essayer de faire mieux quand on écrit soi-même pour éviter de tomber dans le même écueil que la personne qu’on a critiqué.
Surtout que pour les fans de Vogler, ses travaux sont limites religieux, et sont capables de tordre n’importe quel scénario pour te dire que c’est le monomythe comme des gosses qui veulent faire rentrer des cubes dans un trou en forme de cercle.
le scénariste du film est plus doué que la personne qui le critique en général*
la messe est dite ! LOL
Christophe
Bonjour,
Merci pour cet article. Ce qui est dit dedans est vrai. L’humilité, c’est important. Je cherche toujours à collaborer avec des gens humbles. Je cherche toujours des acteurs ou actrices qui n’ont peut-être pas beaucoup d’expériences, mais qui sont humbles. Car c’est avec cette qualité qu’on peut le mieux travailler et progresser. Merci. A bientôt…
I M ACTOR OF CINEMA AND I WOULD LIKE TO KNOW HOW TO WRITE A SCENARIO
Chelovek,
Je comprends ton agacement (le ton semble volontairement provocateur pour susciter le débat ^^) mais je ne partage pas ton point de vue.
Pour ne prendre que l’exemple d’Hugo, qui est très bien choisi. Certes, cet écrivain est un génie et l’homme qui rit restera à jamais le livre qui m’a le plus marquée. Mais quelle douleur à le lire! Si son éditeur avait juste effectué quelques coupes, non seulement cela aurait été une grande histoire mais n’importe qui aujourd’hui pourrait prétendre à la lire…
Or, nous parlons ici de scénaristes, dans un monde où personne n’a le temps et personne ne se soucie de réfléchir: le cinéma est un divertissement. Appliquer des structures, faire simple et au sein de ce carcan, essayer de transmettre quelque chose, c’est déjà un pas en avant. Pour surenchérir à l’article, je dirais que Rimbaud a maîtrisé les alexandrins avant de déstructurer la poésie.
Mais je suis d’accord, la structure ne remplace pas le réalisme et la vérité. Il y a autre chose derrière les recettes (et ce n’est pas le talent, je refuse de croire à cette bête là!). Avec des amis écrivains indé, on débat souvent sur l’importance des méthodes et cette façon dont elle peuvent parfois nous empêcher d’avancer ou stériliser nos idées. Le débat est loin d’être clos.
Dernière remarque: au delà de « créer de l’intérêt », l’idée est plutôt, je pense, de créer des émotions et du sens. Là-aussi, il y a des techniques bien rodées qui ne remplaceront jamais la sincérité.
Et puis, chacun sa ligne! Pour certains, l’important c’est d’écrire, de s’exprimer et d’y prendre plaisir. Pour d’autres, faut produire pour manger et le plus court chemin sera le mieux…
salut Romain,
pourrais-tu nous faire un article sur les constructions classiques des scénarios ?
je te le remercie d’avance de ta réponse !
isa
Tu confonds histoire et scénario. Les histoires des blockbusters américains sont peut-être simples, mais elles sont efficaces parceque le scénario est bien travaillé.
Tout est dit!
créer le déclic, le point de rupture, tous les révolutionnaires ont « fait autre chose »
du coup ça me remet en confiance pour un projet de scenario
j’aimerais être en contact direct avec toi!!
merci
Le « grand public » va chercher des films accessibles parce qu’il a été idéologiquement éduqué ainsi. Notamment par la Culture de masse télévisuelle ou littéraire que nous a servi le grand capital. En gros pub, pop music, scénar simpliste, littérarure de gare (bien que certain soit bien construit et nous tient) se calquant sur les mythologies avec le héros et la catharsis qui va avec, le manichéisme, la morale… Voilà pourquoi ça marche. Le probleme est l’éducation à l’image et la paresse intellectuelle et du risque. Voilà pourquoi les scénarios les plus innovants sont rarement produits et si production il y a, vu par une « elite », en comité restreinte. Toutes ces choses font parties de la société du spectacle. Et je suis pour des scénars libres tout en ayant étudié ceux des autres sans distinction idéologique pour en sortir ma propre essence, mon propre style et un agencement convivial pour les techniciens.