Vous recherchez des financements pour votre court-métrage ? Vous ne savez pas vraiment comment vous y prendre ? Nous avons décidé de partager avec vous plusieurs articles écrit par Etienne Lunet, spécialiste en crowdfunding et production, sur un mode de financement qui a permis à déjà beaucoup de projet de se développer : le crowdfunding ou financement participatif. Avant d’aller plus loin, sachez que cet série d’articles, analyse de façon assez précise ce mode de financement. Si vous vous intéressez surtout à la pratique je vous invite à aller directement consulter l’article : les clés pour bien réussir sa campagne, qui sera le deuxième article de cette série d’articles. Avant toute chose, rappelons donc certains faits passés similaires au sujet traité (un peu d’histoire ne fait jamais de mal :))

Le crowdfunding n’est pas né avec Internet

Quand les barcelonais de  l’association des dévots de Saint-Joseph souhaitèrent installer leur établissement religieux, ils rachetèrent les terrains grâce à l’aumône et se rassemblèrent pour financer le début des travaux. Plus de 130 ans après, la construction de la Sagrada Famillia n’est toujours pas achevée et reste encore financée par les visiteurs. En France, la campagne de promotion pour le financement de la Statue de la Liberté débuta à l’automne 1875. La collecte des fonds se fit avec les moyens de l’époque : articles dans la presse, spectacles, banquets, taxations publiques, loterie, mais surtout grâce aux dons de milliers de particuliers. Le nombre de 100 000 souscripteurs privés fut annoncé ; et dès la fin de l’année 1875, les fonds rassemblés s’élevaient déjà à 400 000 Francs. Permettre à des amateurs de participer à des projets artistiques, de devenir acteur de ces projets, d’avoir un lien privilégié avec les artistes, n’est pas si récent que ça, de même que la possibilité de souscrire, de financer en amont. Ariane Mnouchkine le faisait sous forme de souscriptions bien avant l’invention d’Internet. Cette scénariste, réalisatrice et metteur en scène a fondé le Théâtre du Soleil en 1964. Ce théâtre était présenté comme une coopération de travailleurs dans un esprit communautaire. Quelques-uns de principes régissant le fonctionnement de la compagnie ont marqué les esprits : même salaire pour tous, maquillage en public, soupe servie aux spectateurs, Ariane déchire elle-même les tickets au contrôle de l’entrée. Source : Crowdfunding, les clefs pour réussir  

La première campagne de financement s’est fait à la radio

Shadows de John Cassavetes, premier prix du cinéma indépendant.

  Le premier film de John Cassavetes fut produit de façon totalement improvisée… par une collecte de fonds, lancée dans l’émission de radio Night People diffusée à 1h00 du matin, un soir de 1958. Le réalisateur, alors invité à l’émission, lança le slogan « Financez un film qui vous ressemble ». Cassavetes avança qu’il était tout à fait possible de faire un film de manière totalement libre, sans les contraintes commerciales imposées par les studios, si chaque auditeur de l’émission lui envoyait un dollar. Le lendemain, il reçu deux mille billets de un dollar et se retrouva derrière la caméra pour filmer des improvisations. Durant quatre mois, Cassavetes tourna des scènes autour de la vie d’une famille afro-américaine à New-York. Il dira par la suite : « Je croyais tenir un outil magique pour filmer des impressions ; de ce que sont les gens plutôt que leur vie intérieure ». Source : Ciné Club de Caen Plus anciens encore, rappelés par la plate-forme Kickstarter, Mozart, Beethoven, Walt Whitman ou encore Mark Twain ont eu recours à des aides financières fournies par des communautés d’individus désireux de les aider à poursuivre leur œuvre. Tous ces exemples font offices d’antécédents à l’explosion du financement participatif dans sa version actuelle. Ici ce qui diffère c’est l’utilisation du web. Par la suite, avec l’avènement d’Internet, le financement participatif est devenu en quelques années un phénomène planétaire quantifiable par le volume de financement octroyé par le public. Aujourd’hui bon nombre de plates-formes offrent des services divers et variés, ouverts à tous. Toute personne désireuse de vouloir concrétiser un projet nécessitant un financement peut faire appel au public. Récemment, l’exemple le plus frappant est la dernière campagne de Barack Obama aux Etats-Unis. Financée par le grand public à hauteur de 150 Millions de dollars, elle représente un événement unique au monde, car ce ne sont pas que de riches industriels qui ont porté la victoire de leur candidat, mais des centaines de milliers de citoyens, qui ont en moyenne donné 80 dollars sur Internet, pour porter le premier afro-américain à la tête des États-Unis. Source chiffres : Kiss kiss bank bank Aujourd’hui, la machine est en marche, la vague du changement continue à déferler avec plus de 500 plates-formes à travers le monde ; et de belles histoires s’écrivent grâce au rapprochement et à la démultiplication de l’initiative individuelle, permise par le web. « Il n’y avait pas de sites permettant aux internautes d’agir concrètement pour un projet, intégrant les médias sociaux, soit vous faisiez un don, soit vous faisiez un investissement à but lucratif, il n’y avait rien entre les deux, qui avait cette dimension hybride et cette esprit de souscription, alors on l’a créé. » Slava Rubin, fondateur d’Indiegogo en 2008 Cela peut nous amenés à se poser une question à laquelle nous essaierons de répondre à travers cette analyse : Le financement participatif est-il un effet de mode, ou peut-il apporter un nouveau souffle dans les différentes branches de l’économie actuelle ?  

LE FINANCEMENT PARTICIPATIF : ETAT DES LIEUX D’UNE NOUVELLE TENDANCE

 

Le web participatif (ou « social ») et l’éclosion du crowdfunding comme on le connaît aujourd’hui

Petit tour d’horizon : Le développement du web, adossé aux progrès technologiques qui permettent la démocratisation et la massification de l’utilisation d’Internet, a engendré de nouveaux usages et de nouveaux comportements sociaux. Cavazza l’explique ainsi : « Le web est donc l’outil et le médium, l’utilisateur en devient le scénariste et le réalisateur. Social et centré sur l’utilisateur, le web se rebaptise 2.0 » (Cavazza 2011). L’usager se met alors à produire du contenu et à le rendre disponible en ligne au même titre que les professionnels, qui étaient jusqu’alors les seuls à agrémenter les pages consultées par le public. Et c’est grâce à cette évolution que les utilisateurs ont pu se regrouper autour de centres d’intérêt communs, en discuter puis, assez naturellement, ils furent capables de s’organiser pour les financer. Enfin selon Ricordeau (2013), le crowdfunding serait bel et bien le rejeton du web social. Si aujourd’hui nous assistons à la multiplication des plates-formes de crowdfunding permettant de diffuser mondialement des collectes de fonds à très grande échelle, c’est grâce aux pionniers de cette nouvelle tendance qui ont su capter et préfigurer le pouvoir et la puissance qui émaneraient du réseautage et de l’union des communautés. D’ailleurs, les pionniers du crowdfunding tels que, Kiva (2005), Sellaband (2006), Lendingclub (2006), Indiegogo (2008), Kickstarter (2009), KissKissbankbank (2009), ont été fondés peu de temps après l’avènement d’autres plates-formes comme Wikipédia (2001), Myspace (2003), Facebook (2004) ou encore Twitter (2006).

Les deux grandes familles de plates-formes de crowdfunding

Pour mieux comprendre ces plates-formes, il est utile de passer en revue les deux grandes familles existantes : les non-spéculatives et les spéculatives. Pour cela nous nous appuierons sur l’étude du CerPhi (Centre d’étude et de Recherche sur la Philanthropie).

1. Les plates-formes non-spéculatives

  Les motivations de ces plates-formes sont la créativité, l’empathie et le partage. Elles fonctionnent sur trois modèles : le don sans contreparties, le don contre don (ou contreparties en nature) et enfin les prêts solidaires.  

Le don sans contreparties :

 

C’est par cette formule que le crowdfunding a commencé. En 2010, il représentait 90% des opérations. En 2013 sa part se situe autour de 55%, quasiment rattrapé par la formule « prêts ». Ici le créateur de projet, individuel ou institutionnel, demande la participation du public sous forme de dons pour financer son initiative. Les porteurs de projets sont souvent des organisations non-gouvernementales (ONG) et des associations caritatives. L’anglais Razoo, ou les américains Justgiving et United Donations sont les principales plates-formes. Aujourd’hui, ce modèle qui détient la part de marché la plus importante est un des principaux acteurs de la croissance du crowdfunding.

Le don moyennant des contreparties en natures :

Dans ce cas, les créateurs de projets font toujours appel aux dons, mais ils rétribuent leurs donateurs par le biais de contreparties en nature, liées au projet. Ces contreparties augmentent en corrélation avec le don. C’est la catégorie qui a la préférence des médias. Ce modèle, qui suscite davantage l’intérêt des individus que des associations ou des ONG, donne lieu à des récits de collectes « grand public » et sont donc régulièrement relayées par la presse. Ces plates-formes permettent notamment à tous les secteurs culturels et artistiques de financer des milliers de projets (films, concerts, expositions, design, reportages, documentaires, livres, jeux vidéo…), ainsi que des gadgets technologiques high-tech. Ce secteur a collecté 384 millions de dollars en 2012. Depuis, il ne fait que croître grâce à sa popularité et sa capacité à toucher tous types de créateurs. Parmi les leaders, on peut citer les français, Kisskissbankbank et Ulule.

Les prêts solidaires de pairs à pairs (ou peer to peer) :

Il s’agit de prêts accordés par des personnes physiques, sans taux d’intérêt. C’est un des premiers segments à avoir émergé. On le range également dans le secteur de la micro-finance. La plupart du temps, il s’agit de micro-prêts accordés par des individus habitant les pays occidentaux à des personnes vivant dans les pays du sud, souvent des micros-entrepreneurs. Pour les plus connus, on peut citer la plate-forme californienne Kiva ou Babyloan. Ces plates-formes caritatives permettent l’émergence de milliers de projets dans les pays pauvres ou en voie de développement. Sans remettre en cause l’utilité de ce modèle, il faut néanmoins souligner que certaines de ces plates-formes alimentent une pratique peu glorieuse qui consiste pour des instituts de micro-finance issus des pays pauvres à se refinancer eux-mêmes grâce à l’argent « crowdfundé » dans les pays pauvres.

2. Les plates-formes spéculatives

 

Contribution avec contreparties numéraires (ou versement de royalties) : 

Ici, les pairs qui investissent financièrement dans les projets deviennent des « coproducteurs » et obtiennent à ce titre le droit de percevoir des royalties associées au projet qu’ils ont produit. Ce modèle offre effectivement aux « producteurs » la possibilité de récupérer leur mise initiale, voire de gagner plus. Le retour sur investissement devient donc un argument commercial pour ces plates-formes spéculatives. La première du genre, créée en 2006 et dédiée aux musiciens, est la plate-forme allemande Sellaband. MyMajorCompany, créée en France en 2007 par Michael Goldman lui a emboîté le pas. Elle affirme avoir soutenu 42 000 projets à hauteur de 14 millions d’euros. Depuis il en existe beaucoup d’autres. On peut les désigner comme labels participatifs ou éditeurs participatifs. Ces modèles reposent toutefois sur un problème majeur : le niveau de transparence des comptes fournis aux internautes et présentant le calcul des royalties. Un article sur « Le Point » (2013), fait état de l’existence d’un groupe Facebook appelé « MyMajorCompany, tes producteurs sont mécontents et cela va se savoir ». Suite à un grand nombre de dols (manœuvres frauduleuses qui vise à obtenir l’engagement de quelqu’un) lié aux problèmes de cette opacité de l’information, des producteurs mécontents échangent leur témoignage et leur suspicion quant aux pratiques de MyMajorCompany. Le problème le plus souvent soulevé est le flou autour de l’articulation des dépenses de la jauge « crowdfundé ».  Selon Ricordeau (2013) c’est d’ailleurs le modèle le plus contestable.  

Le prêt entre particuliers avec taux d’intérêt (peer to peer lending) :

Dans ce modèle, la plate-forme intervient en tant qu’intermédiaire entre des particuliers qui d’un côté ont besoin d’un prêt pour réaliser un projet entrepreneurial ou personnel et, de l’autre, sont prêts à allouer leurs épargnes disponibles sous forme de prêts rémunérés. Prêt d’union en France, met en relation des particuliers, Spear finance des entreprises solidaires et Babyloan s’est spécialisé dans le microcrédit. Tous ont un point commun : ils se posent en alternative à l’épargne classique du secteur bancaire. La plupart offre une rémunération aux particuliers en contrepartie de leur prêt. Les emprunteurs quant à eux bénéficient d’un taux plus favorables que celui proposé par les banques. C’est ce modèle qui a le plus contribué à l’accélération et au dynamisme du crowdfunding.  

Investissement contre prise de participations (equity based crowdfunding) :

Il s’agit de plates-formes qui s’intéressent au financement de la création ou de la croissance entrepreneuriale. Ces plates-formes donnent accès au plus grand nombre à l’investissement dans les petites et moyennes entreprises. Ce segment est le dernier-né, les premières plates-formes datant de 2010. On a dans cette catégorie Wiseed en France ou Cofundit en Suisse. Ici, l’investisseur récupère des parts de la société dans laquelle il investit et qui lui donnent donc droit à un potentiel retour financier. On peut l’entendre comme une prise de participation directe au capital des entreprises concernées. Le développement de ce type de formules a été freiné par une législation contraignante en France, en particulier du fait de la réglementation de la pratique du prêt avec intérêt. C’est donc sous la pression des acteurs du secteur et de l’ampleur du mouvement que l’exécutif s’est vu dans l’obligation de revoir le cadre législatif, lors de la première « Assises du financement participatif »  qui s’est tenue le 30 septembre 2013. On peut désormais consentir à des prêts rémunérés, donc percevoir des intérêts, à d’autres personnes physiques ou à une personne morale (entreprise, association), sous réserve que les opérations soient réalisées dans le cadre d’un financement regroupant au moins 20 participants. Après ce tour d’horizon des différents modèles de crowdfunding qui nous a permis de constater que l’économie participative évolue très rapidement, que le crowdfunding se diversifie et mûrit, nous analyserons, dans le prochain article, les chiffres de cette économie. Si vous avez déjà fait un campagne de crowdfunding, n’hésitez pas à partager votre expérience dans les commentaires en nous indiquant la famille de plateforme avec laquelle à fonctionné votre plateforme 🙂 Source : Good morning crowdfunding

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