Voici un nouvel article de notre dossier sur le financement participatif, toujours rédigé par Etienne Lunet spécialiste en crowdfunding et production. Si ce n’est pas déjà fait n’hésitez pas à consulter les articles précédents à ce sujet : Le crowdfunding – partie 1 Le crowdfunding (partie 2) – Bien réussir sa campagne Le crowdfunding (partie 3) – Les limites du financement participatif

Le format court

 

1. Le court-métrage

Bon nombre de projets audiovisuels font appel aux internautes, soit pour les financer dans leur intégralité, soit pour participer partiellement au financement du film. C’est souvent ce deuxième cas de figure qui ressort. Un créateur de projet ne peut pas prétendre solliciter les internautes pour aider à financer un projet de film s’il n’y contribue pas personnellement. Lors d’un stage j’ai eu l’opportunité de gérer une campagne de financement sur Ulule. La société de production pour laquelle je travaillais cherchait à obtenir 8.000 Euros pour terminer la post-production dun court métrage d’animation qui avait déjà été tourné. Une partie du financement provenait donc de la société de production mais, pour amortir leurs dépenses du projet, la société a décidé de faire appel aux internautes, présentant le film comme étant un concept original. Elle ne s’est pas cachée auprès des internautes, puisque c’est en son nom qu’elle a crée la page du projet sur la plate-forme. Ceci n’a étonné personne qu’une société de production fasse appel au crowdfunding pour financer ce type de projet, alors que c’est son rôle de trouver de l’argent, par d’autres voix. En définitive, le film a atteint son objectif et il a pu se terminer dans de bonnes conditions. Il faut dire qu’en dehors des prix dans les festivals, le court métrage ne rapporte pas de bénéfices aux sociétés de production. Ces dernières, frileuses de trop investir dans ce format, cherchent à emprunter d’autres voies de financement, moins risquées. Avec l’émergence des plates-formes spécialisées en courts et longs métrages, l’accès au financement est facilité sans trop prendre de risque. L’émergence de ce type de plate-forme permet aux internautes de participer à l’élaboration d’un film, elle est aussi symptomatique de l’attribution des subventions par des biais plus classiques ainsi que de la nécessité de trouver ce qu’il manque à un budget pour pouvoir terminer et distribuer son film. Touscoprod, plate-forme ayant vu le jour en janvier 2009, fait donc partie de ce type de plate-forme. Spécialisée dans l’audiovisuel, elle met en relation producteurs, réalisateurs et internautes. Les dons permettent notamment aux généreux donateurs de voir leur nom au générique du film, ou de pouvoir assister à une diffusion en avant-première, entre autres. Le tout en fonction de la contribution apportée au projet.  
Le succès du financement participatif (crowdfunding) tend à donner envie à de jeunes producteurs ou scénaristes de combler les trous de leur budget en récupérant par ce biais les sommes manquantes. Clément Chabault et Jonathan Kluger, respectivement producteur et réalisateur de La nuit je m’ennuie, expliquent pourquoi ils ont décidé de passer au financement participatif. « Le film était écrit depuis un moment et nous avons investis dans du matériel de tournage numérique. Mais dans un budget de film, il reste aussi les salaires – à hauteur de 60% du budget – la régie et les décors »*1 raconte Clément Chabault. Et le bouche à oreille leur permet d’avancer sur leurs problématiques finances. « Après avoir eu dans notre entourage plusieurs personnes ayant réussi à financer leur projet, nous nous sommes lancés » précise Jonathan Kluger. Quelques euros à trouver en dehors du schéma classique de financement : aides à la création ou à la production du Centre National du Cinéma et de l’image animée, subventions des chaînes de télévision, ou encore coup de pouce des régions. Le réalisateur poursuit : « Les financements classiques sont assez aléatoires et l’idée d’un financement via une plate-forme publique nous a convaincus de l’intérêt de fonctionner à l’inverse et de produire le film avec un micro budget pour ensuite assurer son existence ; c’est beaucoup plus facile de convaincre un distributeur avec un produit “clé en main” *1». De son côté, Davy Chou a un autre avis sur les subventions. Ce cinéaste et producteur a pu produire son documentaire Le sommeil d’or grâce au crowdfunding et à la campagne lancée sur Touscoprod. Le financement en coproduction avec les internautes est arrivé tard dans le projet : « Nous avons eu de bonnes surprise du côté des financements classiques, ça contredisait ce qu’on entendait souvent. On a couru après les financements un peu pendant toute la période de production du film et si nous venions d’avoir l’accord de l’ Asian cinema fund, nous n’avions pas pu obtenir l’aide à la production de la Région Île de France. On s’est dit : Qu’est ce qu’on fait maintenant ? On ne connaissait pas trop le crowdfunding. Des rencontres et un mail plus tard, nous avions un rendez-vous avec Touscoprod. On s’est dit oui tout de suite ! »*2 Simple comme bonjour, le réalisateur est l’un des projets de Touscoprod ayant été financé en partie par une campagne réussie. De quoi donner des conseils aux nouveaux arrivants sur la plate-forme. Du dépôt du projet à la réussite de la campagne, il reste des incertitudes sur ce qui marche ou ce qui ne marche pas pour faire contribuer les internautes. *1 Source :  Le crowdfunding : les clés du financement participatif – Adnan Maalaoui & Pierre Conreaux – Paru en juin 2014 Etude (broché)                                                                                                                                     *2 Source : Le Blog documentaire – Cédric Mal  

2. Le clip

Tout comme le court métrage, on voit de plus en plus de demandes de financement pour des clips musicaux. Cela vient en partie du fait que les maisons de disques sont de plus en plus frileuses pour produire des artistes. L’industrie musicale n’était pas prête lors de la crise du disque, et n’a pas réussie à bien gérer la transition avec le passage au numérique. C’est pourquoi aujourd’hui bon nombre d’artistes se voient contraints de s’auto-produire en vue d’une vraie signature avec un label. Les groupes de musique produisent eux-mêmes leurs maquettes et leurs univers visuels, dans le but d’attirer le plus de fans ; et ce en partageant régulièrement du contenu. Par la suite, les maisons de disques voyant qu’une communauté de fans suit tel ou tel artiste, elles vont pouvoir prendre un engagement. Se sentant en quelque sorte rassurée par cette communauté, elle se dit qu’elle prendra moins de risque à produire un groupe qui a déjà mâché le travail en amont, en ayant eux-mêmes construit leur fan base par la création de contenu auto-produit, plutôt que de devoir tout construire à partir de rien. Pour la petite histoire, le temps fort de l’industrie musicale était dans les années 1990 avec la montée en puissance du compact disc. Les directeurs artistiques des labels avaient une vraie passion pour dénicher des talents venus de nulle part. Ils les façonnaient ainsi pour en faire de vraies machines à tubes. Ils écrivaient l’histoire d’un groupe en prenant part au storytelling du projet. Mais avec le temps cette tendance s’est inversée. Aujourd’hui, les directeurs artistiques attendent que tout leur tombe dans la main et ils ne signent presque plus les projets où tout est à faire. Ils laissent les artistes se débrouiller pour écrire une partie de leur histoire. Et si cette dernière plaît aux fans, alors ils n’hésitent pas à apporter leur financement. Même s’il reste la web-série, en format court, cet article touche à sa fin. Nous parlerons donc de la web-série dans la prochain article avec une interview  de Pierre-André Grasseler, l’un des fondateurs de Noob – web-série la plus visionnée en France. En attendant, n’hésitez pas à nous dire dans les commentaires si vous avez déjà réalisé une campagne de crowdfunding pour un clip ou un court-métrage 😉

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