Tiphaine nous propose aujourd’hui une analyse des Quatre Fantastiques (2005) de Tim Story, peut-être l’un des plus mauvais films de super-héros jamais sorti. Vous verrez, en lisant cet article, comment la banalisation du scénario peut jouer contre un film.
C’est dans les années 1960 qu’apparaissent pour la première fois les « Quatre Fantastiques », personnages créées par Stan Lee et Jack Kirby, au sein de la célèbre maison d’édition Marvel Comics.
En 2005 sort sur les écrans l’adaptation cinéma qui nous intéresse (une autre avait déjà été réalisée en 1994 par Oley Sassone).
D’entrée de jeu, Les Quatre Fantastiques se distingue des autres adaptations comics contemporaines telles que X-Men ou Spider-Man. Loin de l’univers sombre de ces dernières, Les Quatre Fantastiques joue clairement la carte du film grand public, du blockbuster estival « fun » mais qui ne réfléchit jamais sur ses personnages.
J’avoue ne pas connaître les bandes dessinées, je serais donc incapable de dire s’il s’agit ou non d’une adaptation fidèle. Mais il me paraît clair que ces héros, de par leurs nombreuses spécificités, auraient mérité un traitement autrement plus intéressant.
Les Quatre Fantastiques narre l’histoire de Reed Richards, Susan Storm, Benjamin Grimm et Johnny Storm qui, lors d’un voyage scientifique dans l’espace, sont pris dans un nuage de particules radioactives et développent des pouvoirs… Reed devient un homme élastique, Susan a la possibilité de devenir invisible, Benjamin (le plus touché) voit son corps se métamorphoser et accumuler une force incroyable, et enfin Johnny acquiert la capacité d’enflammer son corps.
L’une des particularités de ces super-héros est qu’ils n’ont pas d’identité secrète. Reed Richards devient « Mister Fantastique » ; Susan Storm, « la Femme Invisible » ; Johnny Storm, « La Torche Humaine » ; Benjamin Grimm, « La Chose ». Il n’est pas question ici de faire cohabiter deux identités en une comme nombre de super-héros, mais bien d’en vivre totalement avec une nouvelle. A cela s’ajoute la célébrité : tout le monde sait qui ils sont, s’interrogent sur eux et leurs pouvoirs.
Pourtant, cet aspect n’est que partiellement évoqué dans le film. La presse et la télévision ne sont que peu présentes, et ne semblent aucunement se soucier de ce que de tels pouvoirs peuvent représenter. Les médias ont pour vocation essentielle d’introduire des scènes comiques comme, par exemple, mettre en avant la « cool attitude » de Johnny. Le rôle que l’on est en droit d’attendre d’eux, soulever des interrogations, voire des polémiques, est entièrement occulté.
On pourra aussi regretter la manière dont le mal-être du personnage de « La Chose est survolé ». Cela était peut-être pourtant la plus belle idée du film : celle d’un être qui ne peut accepter ce qu’il est devenu, son pouvoir prenant le pas sur son ancienne identité, à commencer par son apparence.
Il est indéniable que le réalisateur a voulu aborder ce sujet, mais le traitement est si vite expédié qu’il reste supercifiel. Le départ de la femme de » La Chose » et le propre rejet de son corps ne mènent à rien si ce n’est à servir d’excuse à l’avancement du scénario (c’est en choisissant de redevenir qui il était auparavant qu’il permet au Docteur Fatalis de décupler ses pouvoirs).
Le rebasculement du personnage paraît ensuite trop soudain : alors qu’il avait enfin recouvré son apparence originale, il finit par accepter son nouveau corps. Ce coup de théâtre agit dans le but de sauver ses amis qui encourent un grand danger. Pourquoi ce revirement soudain ? Cela ne sera jamais explicité. L’arrivée d’une nouvelle femme dans sa vie, l’acceptant tel qu’il est, pourrait être une justification convenable. Le réalisateur et le scénariste n’ont pas trouvé judicieux de développer davantage cet axe dramaturgique.
Quoiqu’il en soit, le film souffre clairement de ses personnages stéréotypés, qui ne parviennent jamais à se détacher de l’image qu’ils représentent. L’exemple le plus flagrant est peut-être celui du personnage de Johnny, qui nous est de suite présenté comme l’élément comique du film, du jeune homme populaire qui compte profiter de la vie… Sa relation avec « La Chose » aurait sans doute pu le faire évoluer, ou tout du moins montrer une autre facette de sa personnalité. Rien n’abonde dans ce sens.
Il faut bien avouer en plus que les blagues du film ne fonctionnent pas, se destinant clairement à un public adolescent, pour ne pas dire prépubère.
On pourra également noter le manichéisme assez sidérant dans lequel baigne le film. L’ennemi est immédiatement montré comme tel. Il s’agit, bien évidemment, du nouveau petit ami de Sue Storm, et rival de Reed Richards. La réalisation s’attarde à nous montrer qu’il est le méchant du film dès les premières fois où il apparaît à l’écran.
Il faudra attendre que ses pouvoirs se développent (il les acquiert de la même façon que nos héros) pour qu’il se révèle une fois pour toutes comme un vrai méchant. Victor Von Fatalis devient de ce fait Docteur Fatalis.
Le Docteur Fatalis ne m’était auparavant connu que de nom, beaucoup estimant qu’il s’agit d’un des meilleurs méchants de l’univers Marvel… Ici, il n’est qu’un vulgaire ennemi pour les Quatre Fantastiques, pas vraiment caractérisé, et ayant des motivations assez floues… Il faut également souligner que l’acteur Julian McMahon en fait des tonnes dans ce rôle, réduisant à néant toute la menace que son personnage pourrait représenter. D’autant plus que le réalisateur ne se force pas à nous faire croire qu’un danger est véritablement présent.
En bref, Les Quatre Fantastiques manque clairement d’ambition pour marquer l’histoire des adaptations de comics. Au mieux, le film ne dépasse pas le cadre du pur divertissement. Il est même envisageable qu’il échoue à ce niveau… Les blagues tombent à plat, les scènes d’actions manquent d’intensité, etc. On regarde sa montre régulièrement, attendant patiemment que le film se termine.
Tiphaine
C’est aussi le problème de gérer 4 héros dans un seul film, plutôt qu’un seul héro : c’est déjà long à mettre en avant l’identité et le caractère d’un personnage dans un film, alors pour 4, le film trainerait trop en longueur peut-être.
C’est un peu le même problème que rencontrent les films adaptés de grands romans : impossible de tout mettre dans un seul film, et donc il faut virer beaucoup de contenu… donnant une impression de « superflu »
Bon c’est vrai que ce film n’est pas terrible. Pour autant il ne faut pas jeter la pierre au réal et au(x) scénariste(s). Parce que nous pensons « à la française », à savoir que ce sont eux les auteurs du films. Mais dans le cadre du système de production « à l’américaine » ce n’est pas le cas.
En effet, à Hollywood, les réalisateurs, et les scénaristes dans une moindre mesure, sont considérés comme des techniciens ! Au même titre qu’un chef op, ou qu’un cadreur, ou qu’un régisseur. Surtout quand il s’agit d’adapter des franchises comme les comics en général et celle-ci en particulier.
Comment ça marche. Une production rachète les droits d’adaptation d’un comic, avec comme idée d’en faire une série (ça rapporte plus). Pour ce faire elle engage un pool de scénaristes qui sera chargé d’écrire le scénario. Mais cela se passe sous le contrôle total de la production qui valide le scénario qui conviendra le plus au coeur de cible (ici clairement les jeunes ados). Ensuite elle embauche un réalisateur qui sera tenu de suivre le scénario. Et enfin, au montage, une fois encore c’est la production qui supervise et valide le travail final.
Les réalisateurs et scénaristes qui sont réellement indépendants sont très peu nombreux outre atlantique, du moins à Hollywood. Après c’est un peu différent dans le cinéma « indépendant » (je mets des « » car les grandes productions investissent de plus en plus dans l’indépendant par le biais de filiale).
En France, c’est différent, les scénaristes et/ou réalisateurs sont les auteurs du films et portent le projet à la base. Mais là aussi c’est en train de changer un peu. L’exemple flagrant c’est le films très récent « Star 80 ». Produit par Langman (il apparaît d’ailleurs au crédit de réal, tout est dit). Le scénario vient de lui et de son équipe et le réalisateur n’est qu’un technicien comme les autres. Cette façon de faire « à l’américaine » a largement été introduite en France par M. Besson. Attention, ce système a aussi du bon, c’est juste une approche différente.
Pour en revenir au système hollywoodien, il suffit de s’intéresser par exemple à une réalisateur comme David Fincher. Il a gagné ses galons de réal assez indépendant vis à vis des productions, mais à quel prix. Il renie carrément Alien 3, disant que ce n’est pas son film. Le montage final a été fait par le prod. Il existe d’ailleurs une version « Director’s cut » (traduction « montage du réal »). Il a d’ailleurs bien failli avoir le même problème avec le fin de « Se7en », il a fallu qu’il la joue fine et qu’il se batte pour garder cette fin splendide. Je vous laisse écouter les commentaires si vous avez la version commentée du film sur DVD, tout y est expliqué. La fin que voulait la prod était ridicule en rapport avec la fin que l’on connait. Grâce au succès du film, il a pu faire un film comme « Fight Club » par la suite. Mais le choc a été tel qu’il a dû se calmer un peu ensuite et faire des films « de commande » comme « Panic Room »…
Voilà pour ce commentaire extrêmement long… désolé
Oui c’est vrai que le réalisateur au Etats Unis n’a pas le final cut . Merci à toi pour cet mini introduction à la production ;)!
Salut! J’ajoute un petit commentaire pour dire que j’ai vu le film et que j’ai adoré! Je le conseille aux fans de grand spectacle 🙂