Voici la torisème partie de notre dossier sur le crowdfunding (financement participatif), rédigé par Etienne Lunet (spécialiste en crowdfunding et production). Ici nous nous intéressons aux limites du crowdfunding (financement participatif).
Cet article fait donc suite à deux autres :
Le crowdfunding – partie 1
Le crowdfunding (partie 2) – Bien réussir sa campagne
Il y a 5 ans, le financement participatif était en plein essor. Bon nombre de nouvelles plates-formes apparaissaient sur la toile, toutes aussi novatrices les unes que les autres. D’aucuns voyaient ici un modèle révolutionnaire où tout était faire. Depuis, ce système a évolué pour laisser place à une multitude de possibilités financières, à travers plusieurs types de modèles (voir A – les 2 grandes familles de plates-formes). Cependant, aujourd’hui, financer un projet ne suscite plus le même engouement qu’il y a cinq ans. Les « Ah, comme c’est intéressant ! » ont laissé place aux « Encore ! ». Quand les campagnes se succèdent dans notre entourage, on aurait presque tendance à faire passer nos amis pour des spammeurs.
1. L’essoufflement du crowdfunding
Les plates-formes de crowdfunding assurent pourtant qu’il ne faut pas tout mélanger : solliciter des amis pour le cagnotte d’un anniversaire, ce n’est pas la même chose que de participer au financement d’une œuvre ou d’une coopérative de quartier. L’histoire des jeans 1083 (1083 kilomètres étant la distance de la diagonale la plus longue de France), ressort souvent : L’entreprise a lancé un appel aux dons, promettant d’offrir à ceux qui participaient au financement un jean fabriqué à moins de 1083 kilomètres de chez eux. Mis à part ce type de projet, où il existe une sorte de « donnant-donnant » entre le porteur du projet et le contributeur, du point de vue de celui qui mettra la main au porte-feuille, ce n’est pas la même chose. Certes, ce n’est jamais très plaisant de demander de l’argent à ses proches. Mais certains peuvent apprécier participer à la création d’un beau projet, leur donnant ainsi l’impression de participer à une aventure atypique. D’aucuns diraient que, plutôt que du harcèlement, ils peuvent s’offrir une seconde vie. Un entrepreneuriat par procuration. Marc de la Ménardière, producteur et réalisateur du film En Quête de Sens, a été l’un des premiers à organiser une campagne de crowdfunding pour un film. En 2013, il avait demandé un montant de 12000 Euros et a obtenu 39000 Euros sur la plate-forme spécialisée dans l’audiovisuel Touscoprod. Les gens voyaient alors quelque chose de spontané et d’intéressant dans cette démarche. Aujourd’hui, il lance un autre projet de documentaire, financé par les internautes et, malgré le succès du premier film, il n’a récolté « que » 16275 Euros sur les 10000 Euros demandés. Peut- être l’idée de participer à une grande aventure fonctionne les premières fois, mais la motivation peut s’estomper avec la quantité de mails et de messages sur les réseaux sociaux, qui relaient pléthore de grande aventure par semaine. La banalisation de la démarche succède à l’enchantement des premiers temps. Lorsque l’on regarde l’état actuel des choses, on se rend compte qu’aujourd’hui les projets qui s’en sortent le mieux sont le plus souvent ceux dont le lancement est soutenu par des professionnels de la visibilité. Selon Matthias Lavaux, spécialiste de l’économie collaborative, les projets qui fonctionnent sont soit des produits de consommation, où le don avec contrepartie devient une sorte de pré-achat, soit des projets engagés qui mobilisent des communautés. Du côté des contreparties, le contributeur reçoit quelque chose en échange de sa participation. Cependant, ce quelque chose peut s’avérer inutile ou difficile à atteindre (exemple : un panier de fruit en Poitou Charentes alors qu’on habite Paris*). C’est pour cela que l’intérêt du financement participatif est de réussir à atteindre d’autres communautés que celles côtoyées par le créateur. Mais comme cela requière un savoir faire que le créateur n’a pas forcément, il va se tourner vers son cercle pour chercher le financement. Certains projets génèrent beaucoup de plaisir à donner, une fierté d’appartenir à un élan collectif. Mais, parfois, le monde n’est pas bien fait. Ce ne sont pas forcément les projets pour lesquels les proches sollicitent le créateur. Se sentir obligé de donner inhibe le désir de donner librement, de bon cœur. En définitive l’arrivée de la « crowdfuning fatigue » ne tient sûrement pas tant au nombre de sollicitations abusives, qu’au nombre de fois où on donne pour de mauvaises raisons. Source : Libération : Le « crowdfunding » français forcé de se renouveler pour éviter l’essoufflement – Gaëlle Picut *Source : Bulb in Town – Mémoire Fruitière Des Charentes2. Le Crowdfunding : Un système de plus en plus encadré
D’un point de vue juridique, lorsque le phénomène a débarqué en France, le législateur ne disposait pas d’une réglementation établie pour régir cette nouvelle voie de financement, obligeant les acteurs développer leur activité dans une « zone grise » où le droit commun trouvait une application bancale. Par conséquent, le financement participatif n’était ni légal, ni illégal. Ce n’est que le 30 mai 2014, qu’il a été pris en compte par la législation française. Cependant le partage du risque est un domaine qui doit être contrôlé par l’État, particulièrement lorsqu’il s’agit de Crowdinvesting (rattaché aux plates-formes spéculatives). Il faut savoir que le Crowdfunding fonctionne sur deux modèles économiques :- Le principe du « tout ou rien » (ou Threshold Pledge System) : C’est seulement dans le cas de la réussite de la collecte (le montant objectivé a été atteint) que les fonds peuvent être reversés au porteur de projet. Par la suite, les frais de commission d’intermédiation entre le projet et les contributeurs et les frais de transactions bancaires représentent la totalité de la quote-part qui sera prélevée sur chaque levée de fonds (environ 3% à 10% de la collecte).
- Le principe du « tout pour tous » : Que le projet ait atteint ou non l’objectif fixé, les plates-formes versent les dons collectés.
C’est donc le 30 mai 2014, que le label du financement participatif régulé par les autorités françaises a été mis en place afin de poser un cadre juridique précis pour cette activité. Ce dernier est encadré par un règlement d’usage et inscrit au registre des marques de l’INPI. Il définit deux statuts : celui d’Intermédiaire en Financement (IFP) Participatif et celui de Conseiller en Investissements Participatifs (CIP). L’IFP couvre les dons et les prêts tandis que le CIP concerne les investissements au capital des entreprises.
En utilisant cette marque, les plates-formes informent le public qu’elles respectent les exigences fixées par la réglementation française.
Ce nouveau label peut être utilisé par tout professionnel immatriculé à l’ORIAS (organisme parapublic placé sous la tutelle de la Direction Générale du Trésor), qui a pour mission d’assumer le recensement et l’enregistrement des plates-formes de financement participatif.
Les plates-formes, obligatoirement basées en France, doivent respecter des conditions statuaires (honorabilité, capacité professionnelle des dirigeants) et organisationnelles (mentions, informations, mises en garde, tout cela sur le site web).
Depuis décembre 2015, le nombre de plates-formes s’est stabilisé. L’ORIAS dénombrait alors 31 plates-formes de crowdequity, disposant du statut de CIP, 58 plates-formes de crowdlending disposant du statut d’IFP.
Source : Sacrée planète N°61 – Elisa Granpas
Dans le prochain article sur le crowdfunding (financement participatif) nous nous intéresserons aux différents projets de l’audiovisuel participatif.
En attendant, n’hésitez pas à nous dire dans les commentaires ce que vous pensez des contreparties en générale proposées, si vous avez déjà été contributeur ou encore le type de contreparties que vous avez proposé si vous-même avez été à l’origine d’un projet de financement participatif.