Bonjour à tous
Aujourd’hui, c’est Pierre qui nous écrit un article sur le courant du réalisme après nous avoir déjà livré un premier essai fort sympathique sur l’expressionisme allemand.
Le réalisme au cinéma aspire à une seule chose, nous plonger dans un cadre, une atmosphère qui va nous paraître cohérente. Le cinéma reste de la fiction mais les films réalistes essayent de contourner cette vérité pour tendre vers une réalité crédible.
On pourrait penser que le meilleur exemple de réalisme au cinéma est le cinéma direct. En effet, quoi de plus réel que de capter directement l’action qui nous entoure ? Le cinéma direct joue donc sur l’authenticité de ses décors et de ses acteurs. Mais est-ce suffisant pour le spectateur ? Si je compte une histoire à quelqu’un, qu’est-ce qui fait que mon histoire va paraître réelle ? En réalité, beaucoup de choses. Le ton que je prends, comment j’enchaine les idées, etc. En somme, il faut que tout soit cohérent.
En 1895, le premier film réaliste voit le jour avec L’ARRIVÉ D’UN TRAIN À LA CIOTAT des frères Lumière. Globalement, que nous montre réellement ce film ? L’arrivée d’un train en gare. Ce film a pour seule ambition de capter pendant quelques secondes la réalité en un seul plan. Alors qu’à cette époque ce film était une révolution, il est maintenant perçu comme une oeuvre archaïque. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’au cinéma on recherche de l’émotion. A l’instar des films, les spectateurs ont évolué. Ils veulent des histoires dans lesquelles ils peuvent se plonger s’identifier. Réussir à prendre part à un univers, croire que ce que l’on voit est plausible, réel, voilà assurément ce qui va capter le spectateur et rendre un film d’autant plus intéressant.
Si l’on regarde un film tourné en un seul plan, on va le trouver ennuyeux, peu crédible, pas très réaliste. Les décors vont être loin de nous, on ne va pas pouvoir s’approcher des personnages, apercevoir leurs expressions, etc. En résumé, le spectateur est mis à l’écart, on ne participe pas à l’aventure.
Finalement, dans le réalisme au cinéma, ce n’est pas important d’avoir des éléments réalistes car on sait que ça ne l’est pas, c’est un film. Mais l’important est de nous faire croire que c’est réaliste. Lorsqu’on lit du Balzac, par exemple, l’action est noyée dans les descriptions, des détails insignifiants qui, pris séparément, n’ont aucune valeur. Mais de manière macroscopique, tous ces détails forgent un univers et participent au réalisme de l’histoire. Pour le cinéma, le principe est le même, en faire beaucoup pour prouver la réalité. C’est pourquoi les films ne sont pas filmés en un seul plan pour nous montrer le plus de détails possibles : l’action des personnages, les expressions, les décors, etc.
L’époque du téléphone blanc
L’époque du téléphone blanc se situe entre 1937 et 1941 en Italie. C’est l’époque où les studios Cinecittà voient le jour, les films italiens deviennent festifs, comiques. C’est l’époque d’un cinéma léger et divertissant qui contraste avec la future Guerre. Le terme « téléphone blanc » vient du fait qu’il y avait toujours un téléphone blanc dans les films de cette époque. C’était un symbole de richesse, de luxe mais aussi de joie et de bonheur.
Cette courte époque se voit rattrapée par la seconde Guerre Mondiale. Le cinéma italien perd en légéreté et se détache de plus en plus radicalement de l’époque du « téléphone blanc ». Le néo-réalisme italien voit le jour.
Le néo-réalisme Italien
Le néo-réalisme italien est un courant qui naît à la fin de la seconde Guerre Mondiale. Une guerre qui laisse des traces à tous points de vue. Le cinéma transalpin ne va pas déroger à la règle. Les réalisateurs veulent passer à des sujets plus contemporains qui viennent s’inscrire dans la dureté de cette époque. Alors que le monde est en reconstruction, le cinéma lui aussi va connaître un renouveau en abordant des thèmes plus sérieux. La guerre ayant eu un impact économique, les réalisateurs doivent trouver des alternatives pour tourner leurs films. En effet, ils n’ont pas assez de budget pour modeler des décors à l’image de leur imagination. C’est pourquoi la rue devient le plateau de tournage idéal. Mais les metteurs en scène vont encore plus loin, ils utilisent des inconnus pour jouer des rôles dans leurs oeuvres. Ainsi, les films néo-réalistes aspirent à capter la vie quotidienne, entre fiction et documentaire. Les réalisateurs veulent conter la vie des citoyens dans la société.
Les thèmes abordés sont basiques mais universels. L’homme d’après-guerre veut revenir à des valeurs, avoir une éthique, prendre des décisions, avancer dans sa vie. Dans LE VOLEUR DE BICYCLETTE (1948) de Vittorio De Sica, Antonio doit faire un choix entre survivre et trahir ses propres valeurs : mourir d’inanition ou voler une bicyclette pour subsister. Les films néo-réalistes partent de situations simples pour essayer de dissocier le bien du mal, des notions qui ne paraissent plus aussi claires aux yeux de l’homme après la seconde Guerre Mondiale. En somme, les films nous montrent l’humain dans sa société. Le héros est un quidam et les péripéties auxquelles il est confronté sont ancrées dans la vie quotidienne.
Le réalisme Hollywoodien
Tandis que le cinéma italien cherche à panser les blessures laissés par la Guerre, le cinéma américain va quant à lui retranscrire des valeurs et des idées propres à la culture des Etats-Unis. Tout cela dans un seul but, exporter la culture américaine dans le monde et en faire une marque de fabrique.
Dans le néo-réalisme italien, les hommes sont une seule unité. Ils appartiennent à la même classe, ils vivent dans la même société, ils ont des problèmes communs. Dans le réalisme hollywoodien, cette idée d’égalité est exclue. L’ascension sociale est valorisée. Un personnage est censé se démarquer, être plus fort que d’autres ou devenir plus fort. Contrairement au cinéma italien, la notion de Bien et de Mal est clairement distinguable. Le Bien se range du côté du plus fort ou celui qui essaye de devenir le plus fort, c’est-à-dire le protagoniste. Par conséquent, le Mal est représenté par l’antagoniste.
Les films américains sont donc orientés vers un héros fort, celui auquel le spectateur pourra s’identifier. L’enjeu est donc ici de donner l’impression que ce que l’on voit est possible, qu’il est possible que le héros arrive à un rang élevé et qui l’est possible que le spectaeur parvienne à sa place. Il est donc important de transmettre une cohésion entre le personnage principal et les éléments qui l’entourent.
Note de Romain 1
Il est à noter que certains réalisateurs réussiront à s’affranchir de cette notion coupée de Bien et de Mal. C’est le cas de talents comme Orson Welles (Citizen Kane), Samuel Fuller (Shock Corridor) ou John Ford (La Prisonnière du désert).
Note de Romain 2
Le cinéma américain veut également véhiculer sa notion de réalité et donc ses valeurs à ses spectateurs. C’est ainsi qu’est créé en 1930 un texte de censure, le code Haye, qui interdit par exemple de montrer un baiser trop long, de mettre deux amants dans le même lit, de voir des drogués, de parler de sujets blasphèmes, etc.
En somme, le cinéma reste de la fiction mais quelques films veulent briser cette loi dans un unique but, nous donner l’illusion du réel. Cette réalité peut se refléter de différentes manières.
Tout d’abord, il faut que le spectateur puisse s’identifier au film, il faut qu’il puisse se reconnaître dans les thèmes ou dans l’histoire. De même, les personnages doivent être crédibles, ils doivent jouir d’une histoire personnelle, d’un réel bagage qui va les déterminer. En conclusion, un film sera réel s’il arrive à nous plonger dans une histoire où tout est bien ficelé et cohérent.
Note de Romain 3
Ce très bon article de Pierre m’a donné envie de vous préparer un article sur les liens entre cinéma et réalité.