Bonjour à tous, et bienvenue dans cette troisième partie de l’histoire des effets visuels !
Dans les précédents articles, nous avons assisté aux débuts des trucages au cinéma, puis évoqué les techniques les plus employées jusqu’aux années 60.
SFX ou VFX ?
Avant de décortiquer deux oeuvres qui ont marqué l’histoire des effets visuels (« 2001: l’odyssée de l’espace » et « Star Wars »), je vous propose une petite mise au point sur le terme même d' »effets visuels ».
En effet, on entend souvent parler des « effets spéciaux d’un film » pour évoquer tous ses trucages, qu’il s’agisse d’une cascade, de maquillage ou de créatures en images de synthèse. Pour ma part, j’aime faire la distinction entre « effets spéciaux » et « effets visuels », rejoignant ainsi le jargon anglo-saxon.
- Les effets spéciaux (« special effects », abrégés en « SFX ») sont les trucages sur le plateau (modèles réduits, animatroniques, maquillages, effets pyrotechniques, …). Ce sont aussi les trucages optiques « à l’ancienne », c’est-à-dire ceux où la caméra enregistre plusieurs passes les unes après les autres (mattes, effets de miroir, …). Nous avons eu plusieurs exemples de ces effets optiques dans les articles précédents.
- Les effets visuels (« visual effects », abrégés en « VFX ») sont les trucages effectués en post-production, via l’image numérisée. Ce sont des techniques plus récentes qui permettent de créer, modeler, texturer, animer un personnage, un effet ou un décor, grâce à un logiciel informatique, pour ensuite l’intégrer dans l’image originale.
Voilà ! La parenthèse est fermée 😉
Kubrick encore un précurseur
Nous sommes dans les années 60 et les effets ont beaucoup progressé depuis le début du XXe siècle. Ils permettent véritablement de lancer de grosses productions, principalement américaines. Je pense à la vague du film-catastrophe qui sera très populaire aux Etats-Unis jusqu’au début des années 80, mais aussi à la saga des James Bond et ses mythiques cascades.
Mais, pour le moment, il est plutôt rare de voir une véritable utilisation de ces effets au service du thème du film, ce qu’on pourrait appeler la « vision » de l’oeuvre. Personnellement, j’adore le travail de Murnau sur « L’Aurore » (« Sunrise ») avec son utilisation des fondus et des incrustations. (RDV à 2’30 » pour une sublime image des deux amants, imperméables au monde qui les entoure).
Mais c’était déjà en 1927 ! L’oeuvre la plus marquante sera ensuite, pour moi, un certain « 2001 »….
Le réalisateur Stanley Kubrick est connu pour être très méticuleux et toujours pousser la technique le plus loin possible. Lorsqu’il choisit d’adapter la nouvelle d’Arthur C. Clarke, il sait qu’il fait face à un grand défi: représenter l’espace de manière convaincante. Dès lors, il va s’entourer d’ingénieurs et de techniciens pour concevoir les effets qui rendront crédible une installation spatiale humaine.
L’équipe va utiliser tout un système de câbles et de poulies pour simuler l’apesanteur. Les vaisseaux sont reproduits en modèles réduits ultra détaillés. L’ensemble est supervisé par Douglas Trumbull, 23 ans à l’époque, qui est devenu par la suite une légende vivante des trucages, en travaillant sur « Star Trek », « Rencontres du 3e type » et, plus récemment, « The Tree of Life ». Sur « 2001 », il va utiliser la technique des « mattes » pour tout ce qui concerne les vues de l’espace depuis les hublots des navettes, mais aussi imaginer les graphiques affichés sur les écrans de contrôle. On est en 1968, et les prouesses des ordinateurs sont encore très limitées !
Mais l’une de ses créations les plus fameuses reste la séquence du « Stargate ».
Attention Spoilers !!
Cette séquence se trouve à la toute fin du film, quand le héros est propulsé aux confins de l’espace. Il découvre un univers qui défie toute logique et les images littéralement planantes qu’il voit vont le transformer, et se révéleront également emblématiques d’une certaine culture « new age » des années 60. Pour ce faire, Trumbull va concevoir une machine permettant le « Slit-Scan ». Cette technique consiste à jouer avec la profondeur de champ et l’ouverture de la caméra, tout en filmant en « stop-motion » (soit image par image). Mises bout à bout, ces images donnent une sensation de mouvement infini, à travers deux immenses couloirs lumineux.
(Si vous souhaitez en savoir plus, Trumbull détaille son travail dans cet article en anglais: http://www.visual-memory.co.uk/sk/2001a/page3.html. Je vous invite également à jeter un oeil sur le travail de ce passionné qui a réussi à extraire les plaques d’origine représentant les fameux « couloirs lumineux »🙂
Au terme de ce travail, Kubrick et son équipe ont réussi à faire voyager leurs spectateurs dans un monde inconnu, en leur offrant une représentation unique de ce qu’est l’espace et de ce que peut être un voyage intersidéral. Les visuels de ce film sont si forts qu’ils ont traversé les époques et sont toujours d’actualité. Ils ont littéralement transcendé la portée de « 2001 ».
L’Académie des Oscar ne s’y est pas trompée en remettant à Stanley Kubrick l’Oscar des effets visuels. Cela restera l’une des meilleures décisions de toute l’histoire de l’Académie, et le seul Oscar jamais remporté par Kubrick.
Presque 10 ans plus tard, « Star Wars » utilisera les techniques les plus avant-gardistes pour mettre en place ce qui reste comme le blockbuster ultime 🙂 Dès lors, les grosses productions tâcheront d’inclure de plus en plus d’effets, comme argument de vente. Ce qui est drôle, c’est de constater à quel point le projet de George Lucas était considéré comme risqué à l’époque. La Fox venait de fermer son service de trucages et Lucas a dû créer son propre studio: c’est la naissance d’ILM (Industrial Light & Magic).
Dans le prochain article, nous évoquerons les années 80 et l’irruption de l’informatique graphique dans les salles de cinéma !
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Arnaud